« Que [le Medef] arrête de soutenir du bout des lèvres la réforme des retraites et qu’il la soutienne avec enthousiasme, avec détermination. C’est 8 à 9 milliards d’euros d’économies au bout du quinquennat ! », s’est emporté mardi matin le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire tandis que l’Association française des entreprises privées (Afep) pointait une position jugée trop frileuse du mouvement dirigé par Geoffroy Roux de Bézieux.
Emmanuel Macron n’a pas pu être surpris du rejet unanime par les syndicats de son projet de faire voter le relèvement de l’âge de la retraite par un amendement au budget 2023 de la Sécurité sociale (PLFSS). La tonalité du congrès de la CFDT, qui a joint sa voix aux autres confédérations, annonçait la couleur. Mais l’exécutif ne s’attendait pas à rencontrer une telle fébrilité patronale sur ce scénario d’une réforme ultrarapide.
Pour une entrée en vigueur au 1er juillet 2023
Sur le fond, il y a du côté des représentants des entreprises un clair accord sur la nécessité d’une réforme et sur le principe d’une entrée en vigueur au 1er juillet 2023. Mais il n’y a pas forcément d’accord sur l’accélération du calendrier législatif, qui relève d’un « choix politique », se plaisent à souligner les organisations patronales. « Ce n’est pas au patronat de procrastiner et de dire qu’il est urgent d’attendre », affirmait mi-septembre François Asselin, le président de la CPME, qui juge qu’il aurait fallu rouvrir le dossier dès la sortie de la crise du Covid.Mais attention à ne pas confondre vitesse et précipitation, ont averti quelques jours après les artisans et les professions libérales de l’U2P. « Pas question de passer par un amendement sur un sujet de société qui concerne les salariés mais pas que », a expliqué en substance leur représentant, Dominique Métayer, au ministre du Travail, Olivier Dussopt, le 19 septembre. « Ce n’est pas ce qu’il faut faire le 1er septembre, alors qu’on a plein d’autres problèmes », avait avancé trois semaines avant le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, son organisation jugeant prioritaire la réforme de l’assurance-chômage , désormais bien engagée.
Des inquiétudes qui incitent à temporiser
Les inquiétudes sur la situation économique et sociale incitent une partie du patronat à temporiser. « On sort de la crise Covid, on a une guerre en Europe, des problèmes sur les matériaux, en matière de recrutement, une inflation folle et vient s’y rajouter une crise énergétique, nos entreprises ont beaucoup de sujets à gérer, sans compter celles qui sont au bord du dépôt de bilan », explique un responsable patronal.« Certes, on nous avait prédit le grand soir [social] à la rentrée et pour l’instant, il ne s’est rien passé, mais pas besoin de prendre le risque de mettre le pays à l’envers », résume-t-il. Cette crainte sur le climat social est attisée par le fait qu’en cas d’amendement relevant l’âge de la retraite, casus belli pour la CFDT, la centrale a menacé de mobiliser avec les autres syndicats. Et ce alors que les enquêtes d’opinion montrent la sensibilité du sujet dans une opinion fragilisée.Une autre raison explique la prudence patronale : le souci de pouvoir discuter les mesures qui accompagneront la réforme : emploi des seniors, départs anticipés, pénibilité. « La question d’une réforme des retraites ne se pose pas, il faut la faire. Son calendrier et ses modalités doivent être discutés », a ainsi affirmé il y a quelques jours le président de la Fédération de la métallurgie (UIMM), Eric Trappier, dans une interview au « Figaro » où il ajoutait que « le gouvernement doit trouver une acceptation chez les salariés, les retraités, les entreprises, les générations actuelles et futures ».